mardi 4 septembre 2018

"The Problem we all live with" de Norman Rockwell

      
    Il y a des peintures qui sont devenues des sortes d'icônes de l'engagement et de la dénonciation.  On doit le succès de cette oeuvre à cette petite fille noire dans sa petite robe blanche immaculée au milieu des ces adultes en costume. Mais pour beaucoup, il est impossible de citer le nom de l'auteur de cette célèbre toile datant de 1964. On ne connaît pas davantage le nom de ce premier enfant de couleur qui a intégré une école de blancs ?






Présentation de l'oeuvre
Titre:The Problem We All Live With ( Le problème avec lequel nous vivons tous )
Auteur : Norman Rockwell Date de création : 14 janvier 1964 (date de parution de la photographie du tableau à la Une du magazine Look).
Nature de l’oeuvre : peinture Technique utilisée : huile sur toile
Dimensions : 91,4 x 147,3 cm
Lieu de conservation : musée Norman Rockwell de Stockbridge (Massachusetts) 




Norman Rockwell (1894-1978)
Ce peintre célébré dans une chanson d'Eddy Mitchell est surtout célèbre pour les très nombreuses illustrations qu'il a peinte pour les hebdos à grand tirage : notamment le Saturday Evening Post. Entre 1916 et 1963, Rockwell multipliera les unes pour ce magazine qui le rendra très populaire. 



Après 1960, il fera également les Unes de la revue Look dans laquelle il publiera en 1964 The Problem We All Live With. Il est aussi un illustrateur d'oeuvres de la littérature populaire, notamment des romans de Mark Twain, Tom Sawyer par exemple. Il fera également les portrait des présidents Eisenhower et Kennedy. Durant la Seconde guerre mondiale, il participe à l'effort de guerre en produisant des oeuvres patriotiques : Les quatre libertés ou encore Rosie la riveteuse
De manière générale, son oeuvre met en scène et célèbre la vie quotidienne, la jeunesse, les familles américaines, rien de vraiment révolutionnaire. Mais ce qui le sauve, c'est qu'il multiplie les scènes cocasses où les enfants espiègles témoignent d'une certaine douceur de la vie aux Etats-Unis.
La qualité de ses illustrations, son inspiration ont inspiré un mouvement artistique appelée aux Etats-Unis, l'hyperréalisme autour des années 50-60. Ce mouvement consiste à peindre avec une très grande maîtrise technique à l'identique de la vérité photographique. La confusion avec la photographie devient alors la preuve de la qualité de l'oeuvre.

                                                 Coming and Going, 1947

Aujourd'hui, beaucoup de ces tableaux qui ont servi d'illustrations pour ces magazines sont entrées dans les musées et ont fabriqué l'imaginaire de l'Amérique joyeuse qui se conforte dans ses valeurs qu'elle croit universelle.


Contexte

Ce tableau a servi d'illustration d'un fait divers dans le magazine Look en 1964. A cette date, la lutte pour les droits civiques des noirs aux Etats-Unis est à son apogée. Les lois ségrégationnistes en vigueur depuis 1876 (notamment la Jim Crow laws) sont progressivement contestées durant cette décennie 1960. Les oppositions à la déségrégation sont cependant très fortes dans le Sud esclavagistes : le Ku Klux Klan, les manifestations, les violences se multiplient dans les Etats du Sud à l'encontre des noirs et des blancs qui se mobilisent pour la conquête des droits.



Parmi les grandes figures de cette lutte, on citera Rosa Parks et bien sûr Martin Luther King. Ce mouvement des Droits civiques défend l'idée d'une lutte non-violente et s'appuie sur une décision (de novembre 1960) de la Cour Suprême des Etats-Unis impose à tous les Etats, la fin de la ségrégation raciale. En 1964, le Civil Rights Act déclare également illégale toute discrimination raciale, religieuse ou sexuelles.
C'est dans ce contexte de déségrégation que la petite Ruby Bridges intègre une école blanche à la Nouvelle-Orléans. Dans un premier temps, seule une enseignante accepte de lui faire cours. La fillette et ses parents sont menacés et c'est pour cette raison que sur le chemin de l'école, elle est escortée par des agents fédéraux et insultée par des femmes blanches ségrégationnistes.





Description de l'oeuvre
- Au premier plan on trouve 5 personnages: une petite fille noire pas tout à fait au centre de l’image, escortée de 4 policiers blancs. Elle est dans la rue qui la conduit sans doute à sa nouvelle école. Elle tient un cahier, une règle sous le bras. 
- En arrière plan : sur le mur on voit les inscriptions “nigger” (insulte raciste) et KKK (= Ku Klux Klan, secte raciste fondée en 1865). Au pied du mur, on voit des tomates écrasées mais surtout leurs impactes sur le mur. On imagine que celles-ci ont été lancées, il y a peu.

L'image est renforcée par un habile jeu de contrastes : le noir de la peau de la petite fille contraste avec sa petite robe blanche. Cette robe immaculée contraste avec la saleté du mur. Le contraste s'exprime enfin entre l'enfant, image de pureté et les propos orduriers inscrits sur le mur. 
Le dernier jeu de contraste joue sur la taille de la fille et de ses adultes dont on ne voit que les jambes.
Les adultes ne sont pas vraiment identifiables....excepté les brassards où on peut lire "Deputy US Marshalls" = agents fédéraux des EU.



Interprétation de l'oeuvre

Le cadrage, à hauteur de la jeune Ruby, 6 ans renforce finalement le message de ce tableau. Le spectateur se met à la hauteur de la victime du racisme. Il est plus aisé de s'identifier à elle et de s'imaginer ce qu'elle voit à cette hauteur mais aussi sans doute, ce qu'elle ressent. Les 4 policiers sont anonymes, ils représentent le pouvoir fédéral qui soutient la politique de déségrégation défendue encore par quelques gouverneurs d'Etats du Sud. Ces policiers sont protecteurs, bien sûr mais aussi très intimidants. 
Rockwell prend ainsi position et dénonce les agressions à l'encontre de cette enfant qui ne fait qu'aller à l'école. Peintre d'une Amérique traditionnelle, Rockwell appartient cependant à cette frange de la société suffisamment progressiste pour contester la situation ségrégationniste qui perdure dans les Etats du Sud. 

Cette peinture pourrait être complétée par le tableau intitulé Moving ou Negro in the suburbs où la déségrégation a encore fait un pas de plus. Les grandes banlieues de blancs voient arriver de nouveaux voisins d'une nouvelle classe moyenne de couleur qui émerge au milieu des années 60. 


Moving, 1967

Norman Rockwell fait preuve d'un bel optimisme dans son oeuvre, il fantasme l'Amérique souvent mais il est capable aussi de s'engager et d'aider à l'émancipation des noirs par une belle imagerie qui rend plus douce l'Amérique si violente habituellement.
En 2009, le premier président noir, Obama demanda à ce qu'on accroche le tableau "The Problem we all live with" à la maison blanche.
Quant à Ruby Bridges, elle dirige aujourd'hui, une fondation qui porte son nom. En 2011, elle a été reçue à la Maison Blanche par Barak Obama.




Oeuvre d'ouverture




La petite saynète de la série Amusée vous.... explique assez bien les enjeux de cette oeuvre ! Belle réussite.


dimanche 18 mars 2018

L'atelier gravure a repris du service


Comme chaque année, François Drapier, le graveur est venu partager sa passion.
Comme chaque année, nous avons déménagé son matériel, sa presse qui fait une tonne et tout le nécessaire pour transformer la salle 221 en un petit atelier.



Les élèves étaient au rendez-vous (pas tous mais tant pis)...Le sujet de cette année, "portrait ouvrier" mobilisé pas mal d'interrogations. Quels sont les attributs de l'ouvrier, à quoi pourrait-on le reconnaître, quel est l'archétype de cette figure si présente avant et si absente désormais dans notre vallée de l'Orne ?











samedi 17 mars 2018

Les Hideux à Nancy

Jeudi 15 mars, les élèves d'hida de 2nde et de 1ère se sont rendus à Nancy pour une visite des beaux musées de la ville.
Le matin nous avons découvert la merveilleuse collection d'Art Nouveau du musée de l'Ecole de Nancy. Nous avons retenu le rôle central d'Emile Gallé et ses engagements politiques (patriote mais surtout dreyfusard).


L'après-midi ce fut au tour du Musée des Beaux-Arts de nous accueillir, à l'ombre de la statue de Stanislas. La visite avait pour thème, le portrait à travers les âges....





En sortant du musée, nous avons fait le point sur la personnalité de Stanislas, cette magnifique place et cette statue imposante en son centre que nous avons comparée à l'oeuvre de Jeff Aérosol ....Une journée réussie, en quelque sorte.



                                                                                                                      Jean-Christophe Diedrich




mercredi 28 février 2018

Ferdinand Hodler, l'oublié

La Suisse célèbre cette année le centenaire de la disparition d'un de ses grands peintres symbolistes, Ferdinand Hodler (1853-1918). 


Sa grande toile (116x299cm), la nuit (1891) est sans aucun doute la plus célèbre de ses oeuvres. Elle est également celle qui consacre l'artiste et lui assure sa renommée internationale. Hodler se représente nu, allongé, au centre, attaqué par un spectre noir, la mort. Autour, on le retrouve à nouveau endormi auprès de femmes. Les couleurs atones et le rythme des formes donnent une impression minérale assez glaciale. L'ordonnancement de ces formes est marqué par une certaine symétrie mais plus encore un parallèlisme (principe de composition formelle mais également philosophique, la nature aurait un ordre, une harmonie).
Le tableau fait scandale car l'artiste se représente en compagnie de sa femme et de sa maîtresse. Mais il permet au jeune peintre de côtoyer, l'un des chefs de file du symbolisme, Puvis de Chavannes.


Qui est Hodler ?
Né en 1853 à Berne, issu d'une famille modeste, Ferdinand est orphelin à 14 ans. Sa formation est d'abord artisanale. Il arrive en 1871 à Genèves et devient l'élève de Barthélémy Menn, ami de Corot. Ses premières oeuvres sont marquées par l'influence des peintres réalistes (dont Courbet), on retrouve des portraits, des scènes de la vie quotidienne. La critique dénonce en lui (comme pour les autres peintres réalistes), le peintre de la laideur.
Sa peinture va alors évoluer au milieu des années 1880. Il fréquente les premiers cercles symbolistes de Genève, lit Mallarmé et Verlaine. C'est alors qu'il adopte l'un des thèmes de prédilection des symbolistes, la mort. Son père et ses cinq frères emportés par la tuberculose ont sans doute marqué l'artiste. La mort devient récurrente dans son oeuvre, le vieux charpentier fabriquant un cercueil, des vieux hommes assis, les fatigués, de vieux hommes dans des linceuls résignés à leur condition de simple mortel dans Eurythmie.

                                     Eurythmie (1895)

Hodler devient un peintre reconnu surtout en Europe centrale. Les commandes se multiplient, on lui propose de décorer la façade de l'exposition nationale suisse de 1896, l'université de Iéna ou encore l'Hôtel de ville de Hanovre. En 1904, il est l'invité d'honneur des peintres de la Sécession de Vienne (patrie de Klimt). Son succès dans des œuvres monumentales ne l'empêche pas de poursuivre son travail de portraitiste (influencé par l'expressionnisme) et de paysagiste.
Ces derniers représentent le plus souvent sa Suisse natale, les montagnes (dans une symétrie...qui flirte parfois avec l'abstraction). Quant aux arbres et aux paysages, ils sont teintés d'un japonisme encore à la mode à cette époque (par ex : la pointe d'Andey).




















Cerisier en fleur (1905)                                 Le lac de Thoune aux reflets (1904)

                                         La pointe d'Andey (1909)


Résultat de recherche d'images pour "hodler bucheron"
Le bûcheron (1910)

Sa palette va s'éclaircir avec le temps, elle prend des couleurs, celle des fauvistes. Son autoportraits aux roses (1914) en est un bel exemple.














Autoportrait aux roses (1914) Portrait de Gertrud Muller (1911)




Avant de mourir, en 1918, Hodler fait la démonstration que le légendaire neutralisme suisse n'est pas un atavisme national. Puisqu'il signe en 1914, une pétition contre le bombardement de la cathédrale de Reims par les Allemands. Il est du même coup, exclu et boycotté des sociétés artistiques allemandes auxquelles il appartenait, ces tableaux sont décrochés des musées.

Concluons en citant l'artiste
"Si j’avais encore cent ans à vivre, je continuerais à exprimer les accords, les harmonies de l’humanité. "




Pour aller plus loin :
Un article sur le site du musée d'Orsay
La collection en ligne du musée d'art et d'histoire de Genève : plus de 1000 images


Jean-Christophe Diedrich

mercredi 7 février 2018

L'épreuve du bac en histoire des arts (option facultative)


Nous vous proposons de faire le point sur les attendus du dossier et de l'oral du bac (option facultative).

Edith Brighi (professeure d'histoire des arts) au lycée St-Exupéry de Fameck nous propose ce document très synthétique.

Télécharger le document PDF