dimanche 24 juillet 2011

Jane Evelyn Atwood photographe engagée de la souffrance des corps


J'ai reçu une claque hier quand je suis allé voir la rétrospective de Jane Evelyn Atwood à la Maison européenne de la photographie à Paris.



La photographe franco-américaine Jane Evelyn Atwood nous montre ainsi des corps en souffrance face aux conditions parfois extrêmes de l'existence. Cette belle rétrospective portait sur ses travaux les plus marquants. Parmi lesquels, les femmes en prison....Son travail consistait en fait, en une série de reportages sur les prisons du monde....des Etats-Unis (California Institute for women en 1995 et en Alaska au Lemon Creek correctionnel Center) à l'ex-URSS (la colonie pénale pour femmes de Perm en 1990 ou la colonie de travail de Ryazan pour délinquantes juvéniles), à la maison d'arrêt pour femmes de Rouen 1990... Chaque photo nous invite à découvrir ces fragments d'existence : des enfants en prison avec leur mère, des femmes attachées, des femmes qui se scarifient les bras, des regards.....bref une humanité vivant dans l'un des nombreux archipels de l'abandon et de la pénitence. 
L'exposition était complétée par des objets, des notes et des dessins de ces femmes emprisonnées.  

Plus loin, Jane Evelyn Atwood se penche sur un sujet un peu éloigné....mais finalement pas tant que cela....Une série de photographies traite des enfants aveugles dans leur vie quotidienne, dans leur apprentissage.
Ces deux sœurs non-voyantes se tenant la main sont troublantes dans leur attitude...l'absence de leur regard nous oblige à scruter dans leur geste les sentiments qu'elles peuvent dégager.
 

Puis Jane Evelyn Atwood a multiplié les sujets....avec toujours cette belle empathie qui ne transforme jamais ses photos en des images indécentes pour voyeuristes amateurs de paparazzi. Les prostituées de la rue des Lombards sont les premiers sujets de sa comédie humaine contemporaine (1976-77)....Ses images datées sont devenues aussi objet d'histoire des mœurs.




Puis, un reportage insupportable sur les bombes antipersonnelles, un autre sur l'un des premiers malades du SIDA ou encore un reportage sur Haïti et ses drames....
Là, une petite fille non voyante qui balaie. 










JC Diedrich

dimanche 3 juillet 2011

Ron Mueck créateur d'humains

Vieux débat que celui de la sculpture réaliste.....
Pourquoi singer la nature ? On accusait un temps, Rodin de faire des moulages et de ne pas vraiment sculpter ses œuvres.
Aujourd'hui, il existe un courant de la sculpture hyper-réaliste qui produit à des tailles différentes la figure humaine comme un univers encore inexploré ou mal connu.

Parmi ces artistes qui rencontrent un certain succès, Ron Mueck (né en 1958) est australien mais travaille en Angleterre. Il débute sa carrière en tant que créateur de marionnettes pour le cinéma et la télévision. Il a travaillé un temps pour le célèbre Muppet Show ! 
C'est en 1997 qu'il fait sensation en exposant une sculpture de son père mort (Dead Dad)....



Depuis cette date, ces sculptures petites ou monumentales déclinent le thème de l'Homme de la naissance à la mort....Le choix des figures présentées dénote d'une véritable originalité dans le traitement et dans le choix des postures. Bien sûr comme avec Duane Hanson, le spectateur est fasciné d'abord par la force de la ressemblance avec la réalité mais aussi l'étrange mimèsis qu'il réussit à modeler lui donnant le pouvoir magique  du Créateur....

 

Mais l'attrait de ce sculpteur ne s'arrête pas à cette prouesse technique et artistique.... Il interroge le spectateur sur la vie, le temps qui passe, le corps qui se transforme, qui se dégrade...Il interroge les formes, la matière de ce corps....
La force du détail est aussi de nous amener à regarder l'anatomie complexe et sans cesse renouvelée du corps humain qui est un monde en soi.


Sa femme enceinte de plus de 2 m est tout à fait saisissante : debout, les bras relevés sur sa tête, le visage légèrement grimaçant et le corps tendu montre ici un "corps extrême" dans sa représentation.





Et puis l'artiste développe aussi une approche sans concession du corps, sans être féroce, il présente la réalité de celui-ci sans rechercher, ni la beauté, ni l'harmonie, ni même une once de compassion. Le corps à l'état brut avec une certaine crudité, une impudeur qui me fait penser à Lucian Freud.
Homme assis de Ron Muek                                                Homme nu de dos, Lucian Freud















                                                



Pour aller plus loin


Ron Mueck - Sculpteur hyperréaliste par fabiennedes


JC Diedrich