jeudi 29 décembre 2011

Fred Herzog ou la Street photography en couleur

Fred Herzog (1930-) est un photographe haut en couleur qui dépeint sa ville de Vancouver en étant l'un des premiers à maîtriser aussi bien le Kodachrome. 
 
  
 
 
Il quitte en 1952 son Allemagne natale encore en pleine reconstruction car son père et sa mère ont disparu durant la 2nde GM. Il multiplie alors les petits boulots dont celui de pêcheur avant d'émigrer au Canada. En 1953, il commence à photographier Vancouver (la côte ouest du Canada) sur des diapos en couleur alors qu'à NY et en France, les photographes humanistes partisans de la  Street photography conservaient le choix esthétique du Noir et Blanc. 
Pour se nourrir, il  pratique également la photographie médicale et enseigne la photographie à l'Université (University of British Columbia) entre 1969 et 1974.
 

 
 
La ville de Vancouver sera le principal objet de son oeuvre malgré quelques infidélités à sa ville d'adoption, comme Mexico, Portland, Toronto. Si il commence à faire des photos au début des années 50, il n'exposera seulement qu'une décennie plus tard. Rapidement, on trouve ses clichés digne d'intérêt et participe à plusieurs expositions mais il  n'exposera seul qu'en 1972 à la Mind's eyes of Vancouver.
Une rétrospective a eu lieu en 2008 et l'a définitivement consacré comme un grand photographe aux yeux de ses concitoyens mais plus largement auprès des amateurs de photographie d'art.
 
 

 

 

 
On trouve dans ses clichés toutes les références de l'Amérique du Nord des années 50. L'American Way of life, bien sûr, les néons, les grosses voitures, les publicités, Coca Cola....mais aussi comme ici, des enfants tout droit sortis des peintures de  Norman Rockwell..... Les vues nocturnes quant à elles,  évoquent à s'y méprendre les atmosphères des peintures de Howard Hopper.
 

 
Et puis, il y a ces personnages saisis dans leur attitude quotidienne, un homme blessé qui appelle le taxi sous le regard incrédule de la vieille dame qui attend.
 
 

 
Il aime également jouer avec les vitrines. Elles constituent en quelque sorte un filtre coloré et étrange pour regarder la rue. Il joue alors avec les plans et offre le regard de l'habitant sur sa propre rue.

 
Parfois le photographe scrute la rue de la hauteur de sa fenêtre....des atmosphères de Shaft, de Serpico nous envahissent alors....une Amérique du début des années 70 nous invite à remonter le temps.
 

 
Depuis 2008, Fred Herzog connaît un succès grandissant, il expose désormais aux EU mais aussi en Europe en Allemagne et en France (à Toulouse à la Galerie du Château).

Pour aller  :
http://www.lacritique.org/article-fred-herzog-un-coloriste-canadien-d-exception

 
Jean-Christophe  Diedrich

samedi 3 décembre 2011

Mike Disfarmer le photographe misanthrope aux photos humanistes


Je promenais mon regard sur les rayons de la Médiathèque, un peu en mal d'inspiration quand je me suis arrêté sur un livre de l'excellente collection Photo poche d'Actes Sud....J'y trouvais des portraits de Mike Disfarmer à la pelle sentant bon l'Amérique profonde, celle qui nous fascine mais nous fait un peu peur parfois. Un balayage visuel rapide des pages me précipitait dans l'atmosphère étrange de De Sang froid de Truman Capote.....




Ma journée pluvieuse sera donc éclairée par cette belle découverte, celle d'un étrange photographe, Mike Disfarmer (de son vrai nom Mike Meyer).  Né en 1884 dans l'Indiana, fils d'un cultivateur d'origine allemande, Mike s'installe dans la petite ville de Heber Spring (Arkansas) et y ouvre son studio de photos. En 1925-26, il y construit son propre atelier donnant sur la rue principale de la trop petite ville. 
1939, il décide étrangement de changer de nom : Meyer (qui veut dire fermier) se transforme en Disfarmer....La germanophobie grandissante pourrait aussi expliquer cette décision mais rien n'est moins sûr. 

                                                         Autoportrait, vers 1940

Après 1945, Disfarmer poursuit sa carrière de petit photographe de province comme il en existe sans doute des milliers. Il tire à longueur de journée, le portrait de ses clients : sans toute pour de grandes occasions.  Son atelier est d'un grand dénuement, peu d'accessoires, des fonds sombres ou clairs....le minimum d'artifices non pas par choix esthétique mais plutôt sans doute par manque de moyens.


Mais cela n'est pas bien grave, pendant près de quarante ans, il va photographier les paysans du coin, les petites gens fatiguées par le temps, le travail et la vie. Et nous croisons leur regard, leur visage.....
Disfarmer ne s'est jamais marié, il vit seul et n'a pas d'amis....Le misanthrope ne fait pas beaucoup d'efforts. Isolé, seul son métier de photographe lui donne l'occasion de côtoyer quelques minutes ses clients de passage. 


Pourtant, ces portraits sont d'une rare élégance...Ils transpirent une époque, des histoires individuelles, des joies, des drames....A sa façon et sans l'ambition artistique déclarée d'Auguste Sander ou de Diane Arbus, il nous décrit ses contemporains qui ont décidé d'entrer dans sa boutique pour immortaliser leur trombine. Bien sûr, ils font tous la pose mais leurs gestes laissent deviner un amour, une affection, une camaraderie, une douleur. Quant à leurs regards, ce sont les portraits du Fayoum du 20e siècle qui vous fixent avec profondeur !



En 1959, Disfarmer meurt dans sa boutique. Il faut attendre plusieurs jours avant que quelqu'un s'inquiète de cette fermeture inattendue et néanmoins définitive. Un ingénieur à la retraite, Joe Allbright rachète le studio et découvre plus de 4200 négatifs sur des plaques de verre.



En 1974, le propriétaire envoie quelques photos de Disfarmer au patron de la presse locale, Peter Miller qui rachète l'essentiel de la collection et décide d'en publier une partie dans des ouvrages de photos. Le photographe misanthrope atteint une reconnaissance qu'il n'avait sans doute jamais recherchée.





Un site internet est consacré à son œuvre.  http://www.disfarmer.com/ 

Jean-Christophe Diedrich