vendredi 8 février 2013

Hopper et l'ultra moderne solitude américaine


L'exposition Hopper du Grand Palais a fermé ses portes, il y a quelques jours. Le succès populaire de ce peintre américain est remarquable, 750 000 entrées en quelques mois. "Il fallait y être" malgré l'attente et l'impossibilité de réserver.
Cette exposition aura servi à imposer définitivement Hopper auprès du grand public. En effet, le peintre a eu du mal à s'imposer dans notre pays, on met en cause sa médiocrité technique (Hector Obalk) ou encore son rigorisme puritain qui glace les atmosphères les plus chaudes. Aussi,  longtemps Hopper n'a pas été la tasse de thé du public français. Mais cela a bien changé depuis peu !

    Nighthawks, 1942

Edward Hopper est né à Nyack, située à 40 km au Nord de NY en 1882. Il est le fils d'un commerçant assez aisé. A la fin de ses études secondaires, il entame un apprentissage artistique par correspondance. En 1900, Hopper intègre la New York School of Art.Formé à l'illustration, il change rapidement de créneau pour s'intéresser aux Beaux-Arts. En 1902, son nouveau professeur, Robert Henri l'initie au portrait et à l'autoportrait. 

En 1905, il est engagé comme illustrateur par une agence de publicité new-yorkaise. L'année suivante, il réalise son premier séjour à Paris, influencé par les tableaux des impressionnistes, il abandonne la palette sombre habituellement utilisée à la NY School of Art, c'est là qu'il peint ses premiers bords de Seine. Il y  admire bien sûr, les impressionnistes mais aussi Albert Marquet ou Félix Vallotton.


                                          Pont des Arts, 1907

En 1908, il s'installe à NY et exerce  son métier d'illustrateur sans beaucoup de passion. Sous l'influence de Robert Henri, Hopper abandonne les sujets "français" pour se lancer dans une représentation de la modernité américaine.

 Illustrations publicitaires de Hopper.

En 1912, expose à la 2ème exhibition of Independent Artists à NY organisée par Robert Henri. Ses œuvres passent assez inaperçues.
Entre 1915 et 1923, Hopper explore la gravure. Ses gravures illustrent des articles de différents magazines. 


                               Croquis de JC Diedrich d'ap. gravure


En 1924, il expose pour la première fois, seule et rencontre un certain succès, il a 42 ans. Les 16 aquarelles sur la Nouvelle-Angleterre sont vendues. Hopper est alors classé dans la peinture réaliste de sujets autochtones et familiers.

                                                  Gloucester, aquarelle,  1924


En 1925, il peint la célèbre maison au chemin de fer, celle qui inspirera un peu plus tard, Alfred Hitchcock dans son film, Psychose. Le tableau est exposé l'année suivante et le critique Lloyd Goodrich écrit "Le plus saisissant de l'exposition...Sans autre prétention que d'être un portrait simple et direct d'une maison laide dans un endroit laid, ce tableau réussit à être  l'un des travaux réalistes les plus poignants et désolants jamais vus". En 1930, le tableau arrive dans la collection permanente du Moma de NY.
 
                                          House by the Railroad, 1925

En attendant, Hopper a définitivement rompu avec l'influence française et ses nouvelles œuvres sont de plus en plus marquées par le caractère américain des sujets.




En 1933, le Moma de Ny organise la première rétrospective Hopper, c'est le 3ème peintre américain à connaître cet honneur. Plusieurs critiques déplorent cependant le manque de modernisme de son art. L'année suivante, Hopper expose à Chicago mais aussi à la biennale de Venise.Sa carrière de peintre semble alors s'établir, il est reconnu et arrive à vivre de la vente de ses toiles.


En 1941, il est photographié par Arnold Newman. A cette date, Hopper est devenue une grande figure de la peinture américaine, il peint l'année suivante, la plus célèbre de ses toiles, Nighthawks mais ses détracteurs continuent à souligner le caractère puritain et froid de sa peinture, le réduisant à un bon illustrateur.

En 1943, le Moma de New-York achète le tableau Gas



Dans une lettre destinée à Mrs Frank B. Davidson en janvier 1947, Hopper prend une position claire vis-à-vis de la peinture abstraite :
"Il y a une école d'art qui se nomme abstractionniste ou non-objective qui est dérivée principalement du travail de Paul Cézanne, et tente de créer une "peinture pure" , c'est-à-dire un art qui utiliser la forme, la couleur, et le dessin en soi, indépendant de l'expérience de vie humaine et de son association à la nature. Je ne crois pas que ce but puise être atteint par un être humain."

                                    Portrait of Orleans, 1950

En 1952, il rejoint un groupe d'artistes qui protestent contre la tendance du Moma à favoriser l'art abstrait. Il publie alors dans la revue, Reality
Les années 50 voient donc s'opposer deux grands figures de l'art américain Pollock et Hopper mais avec l'émergence du Pop Art au début des années 60, Andy Wharhol arrive à calmer ces débats et propose de se détacher des influences "humanistes" de la peinture réaliste et de s'interroger sur les icônes du quotidien pour en faire des œuvres d'art.

                                    Two comedians, 1966

Hopper termine sa carrière, certes reconnu mais très vite oublié. La France n'expose rien de lui avant 1981 lors d'une exposition au Centre Pompidou sur "les Réalismes". Après une petite exposition à Marseille en 1989, le musée de Giverny expose une sélection d'oeuvres en 2008.

                Interview de Didier Ottinger qui propose quelques interprétations des toiles d'Hopper.

L'exposition du Grand Palais et son très beau catalogue de Didier Ottinger et Tomas Llorens répare un bel oubli faisant de Hopper un artiste reconnu du grand public.


Sources : 
OTTINGER Didier et Tomas Llorens, Le catalogue de l'exposition Hopper, RMN, 2012, 367p
PAJON Léo, Hopper, ultramoderne solitude, Art Magazine, oct 2012
                                                                                                                   

                                                                                                                  Jean-Christophe Diedrich


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