samedi 3 décembre 2011

Mike Disfarmer le photographe misanthrope aux photos humanistes


Je promenais mon regard sur les rayons de la Médiathèque, un peu en mal d'inspiration quand je me suis arrêté sur un livre de l'excellente collection Photo poche d'Actes Sud....J'y trouvais des portraits de Mike Disfarmer à la pelle sentant bon l'Amérique profonde, celle qui nous fascine mais nous fait un peu peur parfois. Un balayage visuel rapide des pages me précipitait dans l'atmosphère étrange de De Sang froid de Truman Capote.....




Ma journée pluvieuse sera donc éclairée par cette belle découverte, celle d'un étrange photographe, Mike Disfarmer (de son vrai nom Mike Meyer).  Né en 1884 dans l'Indiana, fils d'un cultivateur d'origine allemande, Mike s'installe dans la petite ville de Heber Spring (Arkansas) et y ouvre son studio de photos. En 1925-26, il y construit son propre atelier donnant sur la rue principale de la trop petite ville. 
1939, il décide étrangement de changer de nom : Meyer (qui veut dire fermier) se transforme en Disfarmer....La germanophobie grandissante pourrait aussi expliquer cette décision mais rien n'est moins sûr. 

                                                         Autoportrait, vers 1940

Après 1945, Disfarmer poursuit sa carrière de petit photographe de province comme il en existe sans doute des milliers. Il tire à longueur de journée, le portrait de ses clients : sans toute pour de grandes occasions.  Son atelier est d'un grand dénuement, peu d'accessoires, des fonds sombres ou clairs....le minimum d'artifices non pas par choix esthétique mais plutôt sans doute par manque de moyens.


Mais cela n'est pas bien grave, pendant près de quarante ans, il va photographier les paysans du coin, les petites gens fatiguées par le temps, le travail et la vie. Et nous croisons leur regard, leur visage.....
Disfarmer ne s'est jamais marié, il vit seul et n'a pas d'amis....Le misanthrope ne fait pas beaucoup d'efforts. Isolé, seul son métier de photographe lui donne l'occasion de côtoyer quelques minutes ses clients de passage. 


Pourtant, ces portraits sont d'une rare élégance...Ils transpirent une époque, des histoires individuelles, des joies, des drames....A sa façon et sans l'ambition artistique déclarée d'Auguste Sander ou de Diane Arbus, il nous décrit ses contemporains qui ont décidé d'entrer dans sa boutique pour immortaliser leur trombine. Bien sûr, ils font tous la pose mais leurs gestes laissent deviner un amour, une affection, une camaraderie, une douleur. Quant à leurs regards, ce sont les portraits du Fayoum du 20e siècle qui vous fixent avec profondeur !



En 1959, Disfarmer meurt dans sa boutique. Il faut attendre plusieurs jours avant que quelqu'un s'inquiète de cette fermeture inattendue et néanmoins définitive. Un ingénieur à la retraite, Joe Allbright rachète le studio et découvre plus de 4200 négatifs sur des plaques de verre.



En 1974, le propriétaire envoie quelques photos de Disfarmer au patron de la presse locale, Peter Miller qui rachète l'essentiel de la collection et décide d'en publier une partie dans des ouvrages de photos. Le photographe misanthrope atteint une reconnaissance qu'il n'avait sans doute jamais recherchée.





Un site internet est consacré à son œuvre.  http://www.disfarmer.com/ 

Jean-Christophe Diedrich

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