Jusqu'à présent Messerschmidt était pour moi, un ingénieur de l'aéronautique allemand dont le génie a permis pas mal de belles victoires à un certain Adolf....Oublions ces épisodes fâcheux et concentrons-nous sur un sculpteur mis à l'honneur par le Louvre depuis janvier.
Franz Xaver Messerschmidt né en Bavière en 1736 est un sculpteur atypique, longtemps oublié qui est redevenu à l'honneur ces derniers temps. Il est à l'origine d'une série de sculptures, d'autoportraits appelée "têtes de caractères".
Il s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Vienne en 1755 et devient rapidement un sculpteur de la Cour. Ces deux premiers bustes sont celui de l'impératrice Marie-Thérèse et de François Ier.
Son succès est précoce, il réalise une série de buste des grands de la Cour, dont par exemple le futur empereur Joseph II. Il enseigne comme professeur assistant à l'Académie des Beaux-Arts.
Mais sa carrière prend un mauvais tournant, il ne reçoit pas le poste à l'Académie qui lui était promis en raison de ses troubles cérébraux. Sa position décline et on lui reproche son style trop classique qui s'inspire trop directement de l'Antiquité. IL tente alors sa chance à Munich mais il n'y réussit pas plus. Il se retire alors à Presbourg avec son assistant et mène alors une existence isolée de tout.
A sa mort en 1783, son frère vend une série de 49 têtes dites de caractères à un cuisinier de Vienne qui les expose dans son restaurant. Dix ans plus tard, elles sont exposées à l'hôpital communal. Désormais, ce sont les médecins, les psychiatres qui s'intéressent à ces têtes de caractère.
A la fin du XIXe siècle, la collection est dispersée mais l'avant-garde viennoise s'intéresse enfin à ces têtes plus pour des raisons artistiques que psychiatriques. Elles deviennent de véritables icônes dans le milieu viennois.
En 1932, la publication d'un article de l'historien d'art et psychanalyste Ersnt Kris renforce encore l'intérêt des deux communautés (artistiques et scientifiques) pour ce groupe d'une petite cinquantaine de statues grimaçantes.
Pourquoi toutes ces grimaces ? Pourquoi autant d'autoportraits grimaçants ?
Beaucoup interprètent ces effigies comme une représentation de la douleur physique, somatique et psychique de Messerschmidt. Une expression de ses démons, de ses tourments voire de ses hallucinations. Elles seraient en fait, une sorte de transfiguration de sa souffrance psychique. Ces autoportraits qu'il n'a jamais souhaité vendre, sont ainsi des prothèses avec lesquelles il conjurait ses démons et tentait de se réapproprier sa personnalité.
Aussi, ce qui bouleverse dans cette série de portraits, c'est autant la maîtrise absolue de son art que ses souffrances intérieures qui se lisent sur les multiples facettes sculptées de ce même visage.
JC Diedrich